Genèse de la nouvelle guerre de l’Est : entre accords secrets, rivalités régionales et gestion interne du pouvoir
L’accession au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi en République démocratique du Congo (RDC) a été marquée par une alliance avec le Front Commun pour le Congo (FCC) de son prédécesseur, Joseph Kabila Kabange. Des accords secrets auraient été conclus, prévoyant un partage du pouvoir et une alternance après cinq ans. Cependant, ces accords n’ont jamais été rendus publics, laissant planer le doute sur leur contenu exact et leur application.
La paix fragile du Nord-Kivu et la résurgence des ADF
Alors qu’une certaine stabilité régnait dans une partie du Nord-Kivu, la frontière ougandaise était toujours instable, avec la résurgence des attaques des Forces Démocratiques Alliées (ADF) principalement à Beni. Face à l’incapacité de son armée à contenir ces attaques, Félix Antoine Tshisekedi a signé un accord avec le président ougandais, Yoweri Museveni, autorisant l’armée ougandaise à intervenir en RDC. Cet accord offrait à Museveni l’opportunité de sécuriser ses frontières et de satisfaire les intérêts de ses généraux, ses compagnons de lutte, qui voyaient dans cette intervention une occasion de profiter des ressources minières congolaises, tout en laissant à la la famille Museveni dégustée le pouvoir.
Les tensions entre Kagame et Museveni et la réactivation du M23.
L’arrivée des militaires ougandais en RDC n’a pas été du goût du président rwandais, Paul Kagame, dont les relations avec Museveni étaient déjà tendues. La médiation de Tshisekedi a permis de désamorcer temporairement la crise, mais a fragilisé sa position. Kagame, confronté aux mêmes défis que Museveni, à savoir la nécessité de satisfaire ses compagnons de lutte et de préparer sa succession, a réactivé le Mouvement du 23 mars (M23).
Parallèlement, il a entrepris de se séparer de ses anciens compagnons de lutte, ouvrant la voie à sa famille pour à sa succession au pouvoir. C’est le début de la nouvelle guerre de l’Est.
Les facteurs internes de la crise : le rôle de Kabila, les tensions politiques et la convoitise des ressources
Félix Tshisekedi aurait pu faire face à cette nouvelle rébellion, mais il devait composer avec la volonté de revanche de Joseph Kabila, mécontent du non-respect des accords conclus avec lui. Le conflit interne avec les opposants, l’emprise de la famille Tshisekedi sur les ressources minières, autrefois convoitées par la famille et les proches de Kabila, ainsi que la volonté de Tshisekedi de modifier la Constitution pour rester au pouvoir ont accéléré la rébellion.
Les enjeux régionaux : les tensions ougando-rwandaises et burundaises
Le fils de Museveni, le général Muhoozi Kainerugaba, neveu par alliance de Paul Kagame, tente de perturber l’accord entre Tshisekedi et son père en déstabilisant la présence ougandaise en RDC. Les généraux ougandais, soucieux de préserver leurs intérêts, voient dans leur présence une barrière contre l’avancée des troupes du M23/RDF vers le nord du pays.
De même, le Burundi a été autorisé à envoyer des militaires pour combattre les rebelles burundais présents dans l’est de la RDC. Cette décision n’a pas non plus plu à Kagame, avec qui les relations sont tendues, malgré les tentatives de médiation de Tshisekedi.
Conclusion : une crise complexe aux multiples enjeux
La nouvelle guerre de l’Est est le résultat d’une combinaison de facteurs internes et régionaux : accords secrets non respectés, rivalités entre chefs d’État, convoitise des ressources minières, tensions ethniques et politiques, et ingérence de puissances étrangères. La complexité de cette crise rend sa résolution d’autant plus difficile et nécessite une approche globale, prenant en compte tous les aspects du problème.
Tostao Mbemba