RDC : La peine de mort, la menace pour faciliter le passage en force du changement de la constitution
Une sortie qui semble confirmer que la menace de la peine de mort n’est pas uniquement destinée aux kulunas ou autres militaires déserteurs dans l’est du pays, mais est devenue un argument pour effrayer et tenter de faire taire ceux qui ne partageront pas le narratif du pouvoir en place.
Au lendemain de la levée du moratoire sur l’exécution de la peine de mort, le mouvement citoyen congolais la Lucha (Lutte pour le changement) avait mis en garde contre les futures dérives, estimant que cette décision “ouvre un couloir à des exécutions sommaires dans ce pays où le fonctionnement défectueux de la justice est reconnu par tous, y compris le magistrat suprême lui-même”. La Lucha faisait ici référence aux critiques du président Félix Tshisekedi envers le système judiciaire congolais.
Un président qui avait lui-même suscité bien des inquiétudes en déclarant, le 25 mai 2023 au stade Kashala Bonzola de Mbuji Mayi (Kasaï-Oriental) : “je m’attaquerai sans hésitation, sans remords à tout Congolais qui mettrait en danger la sécurité et la stabilité de notre pays”, avant de poursuivre : “Peu importe ce qu’on en dira : violation des droits de l’homme, privation des libertés… je n’en démordrai pas parce que démocrate je suis, démocrate je resterai. Je n’ai aucune leçon à recevoir de qui que ce soit dans ces domaines.”
Des déclarations et des décisions qui doivent être relues dans la perspective de la volonté du clan au pouvoir de modifier la constitution congolaise quoi qu’en disent la population, l’opposition et le texte de la constitution.
Le parti du président de la République, l’UDPS, sait le poids que peut représenter une jeunesse mobilisable dans un combat politique. Il n’ignore rien de la capacité des médias et surtout des Églises, même affaiblies, de porter des messages fédérateurs. Les dernières initiatives et sorties du ministre de la Justice doivent être lues à l’aune des objectifs de ce pouvoir. Mais la menace seule n’a qu’un temps si les actes ne suivent pas.
Le pouvoir ira-t-il jusqu’à exécuter un de ces condamnés à mort ? Certains représentants d’ONG locales, qui préfèrent rester anonymes, en sont convaincus tout en pointant que, dans le cas des kulunas, la procédure judiciaire n’est pas épuisée. Ils ont été condamnés en première instance et disposent encore de plusieurs voies de recours. La machine répressive congolaise est en branle. Le régime n’a pas oublié qu’en 2015, dans un scénario assez similaire, le bras de fer entre le pouvoir et la rue avait tourné à l’avantage de cette dernière malgré la violence de la répression. La menace de la peine de mort appliquée pourrait-elle casser la dynamique de l’opposition ? C’est le pari que semble avoir pris le régime Tshisekedi.
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